Mieczysław Weinberg (* 8. Décembre 1919 à Varsovie; † 26. Février 1996 à Moscou)
Mieczyslaw Weinberg a subi avec sa famille le sort tragique qu’a connu le peuple juif au XXe siècle. En 1903, lors d’un terrible pogrom, son arrière grand-père et son grand père paternel nt été tués par des voisins habituellement pacifiques. Lors de l’invasion de la Pologne par l’Allemagne, les Nazis tuent ses parents et sa sœur, et en 1948, la police secrète de Staline assassine beau-père. Lui-même sera arrêté le 6 février 1953 en raison de vagues accusations antisémites. La mort de Staline, un mois plus tard, lui sauvera la vie. Le destin lui accordera encore 43 années à vivre, et malgré ses origines étrangères, il parvint à se frayer une position remarquable parmi les compositeurs soviétiques de son époque. Il est probablement impossible d’imaginer comment un homme peut ainsi vivre à nouveau et atteindre une telle excellence artistique après tant d’évènements tragiques. Il est dès lors aisément concevable que ses œuvres soient si intimement liées au destin du peuple juif, décrivant avec une empathie exceptionnelle la tragédie d’enfants au milieu de la guerre et de la mort et prodiguant une (approche générale) atmosphère pacifiste. Mais cela vaut également pour les œuvres sans visée programmatique, avouée ou non. Le compositeur dira lui-même, « beaucoup de mes œuvres sont liées à la guerre. Cela n’a pas été, hélas, le fruit d’un choix volontaire, mais dicté par mon destin, le tragique destin de ma famille. Écrire sur la guerre et l’horreur qui s’est abattu sur l’humanité dans notre siècle, m’est apparu comme étant un devoir.
Mieczyslaw Weinberg est né à Varsovie où son père était compositeur et musicien dans un théâtre juif. Ses deux parents étaient juifs. Il était à peine âgé de dix ans qu’il fit ses débuts en tant que pianiste et directeur musical, et à l’âge de douze ans, il commença des études de piano au conservatoire de Varsovie avec Jozef Turczynski. Avec la fermeture du théâtre, son père perdait également son travail, obligeant Weinberg à subvenir aux besoins de sa famille en travaillant comme musicien durant ses études.
Tout semblait le prédestiner à une carrière internationale en tant que pianiste virtuose, mais la fin de ses études coïncida avec les débuts de la guerre, et il dut fuir la Pologne pour échapper à l’invasion par l’Allemagne Asie. Il parvient à rejoindre Minsk, capitale de la Biélorussie, où il étudie la composition avec Vassily Zolotaryov, qui lui-même avait étudié avec Balakirev and Rimsky-Korsakov. En juin 1941, le lendemain de son dernier examen, la Biélorussie était attaquée par l’armée allemande, ce qui le force à s’enfuir une nouvelle fois, vers la République d’Ouzbékistan.
Il s’installe à Tachkent, capitale Ouzbek, et travaille à l’Opéra, où avec des collègues ouzbeks il compose également des musiques de scène et se lia d’amitié avec de nombreux artistes en exil, parmi lesquels Solomon Mikhoels, dont il épousa la fille, Nataliya. Dimitri Shostakovich qui avait entendu parler du talent de Weinberg fut si impressionné en recevant la partition de la 1ere symphonie du compositeur qu’il parvient à lui obtenir une autorisation officielle de résidence à Moscou, ce qui était exceptionnelle en ces temps de guerre.
En 1943, le couple s’installe à Moscou, dans la capitale soviétique, où Weinberg vivra jusqu’à sa mort et où débuta la longue amitié qui le lia à Chostakovitch. Ils se montrent réciproquement chacune de leurs nouvelles compositions, et au compliment que lui adressa un jour Chostakovitch, qu’il était « l’un des compositeurs les plus importants de nos jours » Weinberg, qui considérait avoir tant appris de son vieil ami, répondait : « même s’il ne m’a jamais donné de leçon, je me considère comme son élève, sa chair et son sang ». A Moscou, Weinberg exerçait surtout comme compositeur, mais faisait également quelques apparitions en tant que pianiste.
En 1948, les chefs politiques de l’union soviétique exerçaient une pression sur les milieux artistiques, et les musiciens, leur suggérant de composer des œuvres populaires, optimistes et aisément compréhensibles, fidèles en somme à l’esprit du réalisme socialiste, glorifiant expressément l’Union Soviétique. Weinberg ne faisait pas lui-même l’objet de critiques sévères, mais quelques-unes de ses œuvres furent interdites, parmi d’autres compositions de Chostakovitch, Prokoviev et d’autres compositeurs. Cela était suffisant pour créer une certaine crainte parmi les organisateurs de concerts à programmer sa musique, ce qui le força un certain temps à écrire des musiques pour le cinéma et le théâtre. Quoiqu’il en soit, son arrestation en 1953 n’est en rien liée à son œuvre, mais à la famille de sa famille, dont Miron Vovsi, le principal défendeur lors du procès antisémite contre les « meurtriers en blouse blanche », lors du dit « complot des médecins de Kremlin » formenté par Staline et la police secrète. Très courageusement, Chostakovitch organise une pétition qu’il enverra à Beria, chef du NKVD (ou Commissariat du peuple aux Affaires intérieures), mais c’est finalement la mort de Staline qui libérera Weinberg de la prison.
Sa réponse à l’omniprésence du danger a été un continuel épanchement musical, une musique dont l’intimité poignante reflète ce goût doux-amer que laisse une vie où tout a été perdu mais pas le sentiment de gratitude d’avoir survécu. Son œuvre comprend plus de 150 compositions, auxquelles s’ajoutent d’innombrables pièces sans numéro d’opus, dont beaucoup pour le cinéma, le théâtre et des pièces radiophoniques. Il composa un étonnant corpus de 26 symphonies, plus d’une douzaine de partitions de scène, 17 quartets à corde et 28 sonates pour divers instruments, ainsi qu’un vaste ensemble de musique pour instrument en solo, mais également des pièces de musique vocale pour solistes, sur des textes d’auteurs de tous horizons. L’humour et la tragédie ont une égale importance dans son œuvre qui comprend aussi bien un Requiem que de la musique de cirque. Quand les bandits de de l’Union des compositeurs soviétiques l’accusèrent d’ « d’humanisme abstrait » (une formule également employée par les nazis), ils ne réalisèrent pas le compliment qu’ils faisaient. Lyrisme et force dramatique sont un des aspects essentiels et les plus captivants de sa musique qui culmine en une image d’une rare profondeur humaine.
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